top of page

Jubilé de l'Exil

Cygne noir sur l'Histoire

       Cygne d'or de l'Enfance

 

 

Agenouillés au rivage de la mer qui nous aura vu naître

Et nous lavera d'augures au seuil de notre ultime sommeil

A l'heure sainte où le soleil ouvre ses fenêtres vermeilles

Et le jour et la nuit paraissent unis aux lèvres d'un mime

Nous t'avons vu passer, ô Mère de nos souvenirs en veille

Et sur la crinière d'or de tes chevaux hennissant sur l'abîme

Ta couronne tressée de foudre illuminait un chœur d'ancêtres

 

Le cœur tourné vers ce rivage qui crut voir notre enfance mourir

Nous avons vu escortée par ces hymnes la cohorte du Souvenir

Et frémir à ses arpèges de neige et de feu les cordes de la lyre !

Ô geste d'amour éblouissant, grand feu toujours recommencé

Nous avons vu, ensemencé et bénissant à cette rive ansée,

Le dieu solaire de la mémoire, rayon de gloire sur la mort

Et la crinière d'or de ses chevaux hennissant dans l'aurore !

 

Agenouillés dans les eaux-mères de l'Enfance à ses mystères,

Nous avons vu ses ailes immenses, son aigle rouge sur son erre

Ô feux d'une eau-de-vie coulant dans les gorges du Souvenir

Ô feu d'augures, aube du premier jour aux forges diluviennes

Dont ces éclats de foudre et de tonnerre encore se souviennent,

Qui vous recueille aux vasques des nuées où résonnent vos antiennes ?

Otage d'un cortège d'éclairs en forme de proue et de lyre vermeille

Nous avons vu danser, nuée d'amour, cet immense essaim d'abeilles !

 

Ô Danse solaire en mer, est-il un nombre d'or à vos présages

Qui à la proue de ce navire du Souvenir, s'éveille sous l'orage

Et rythme le retour de la lyre aux ruches d'or du langage ?

Agenouillés sur le sable mouillé de nos dépouilles opimes,

Armes versées sous l'orage, Ô versets de larmes sublimes,

Nous avons vu se lever le soleil du premier jour sur l'abîme

Et la nuit qui le berçaient, amour inouï à l'aube de vieil âge !

 

Ô feux de vieil or, fanions flottant sur ces gorges vêtues de tussor

Fuyez-vous funambules têtus les forges vétustes au rivage de mort,

Ou ces gorges soyeuses dévêtues par la foudre où Vénus jeta un sort ?

 

Et quelle fibre d'amour enchante nos rives ivres de lumière

Quand résonne ce village d'Enfance au souvenir d'un pivert ?

Sa plume glissée entre nos doigts trempée d'une encre rouge et verte

Transcrit sur la page blanchie de l'oubli l'ode de ce seuil jubilaire 

 

Qui chante en cette veine oraculaire à la langue vernaculaire,

Ô Langue céleste des éthers, messagère du pays de nos Pères ? 

Un pivert au plumage rouge et vert couleur du sang et de la mer

A poussé son cri mêlé de joie et d'effroi au seuil de ce jour jubilaire.

        C'était en ces temps heureux

        (extrait)

 

 

 

«C'était en ces temps heureux où dans la nuit profonde qui le berçait

L'Enfant voguait sur la pirogue des songes dont les battements cadencés,

Résonnaient d'images insensés comme de versets aux rythmes assonancés

C'était en ce temps d'archipel sonore qui vibrait autour des rivages ansés,

Où des oiseaux fabuleux élevaient un chant d'amour à de jeunes fiancés

C'était le temps où fut donné à l'enfant cet héritage de colombes qui s'aimaient

Ô parents précieux, sur une terre ardente fut la graine d'or de la sagesse semée

 

Ô Nef des sept anges, voiles des larmes qui à ces nouveaux rivages avaient essaimé

Guidez l' Epouse survivante, la mère aimante sur la mer du retour au ciel des aïeux

Et toi qui viens d'atteindre un âge séculaire, retrouves-tu ce langage lumineux des yeux

Cette grâce qui parle d'amour par le seul regard comme il sied aux filles de Monovar ?

A l'heure du trépas sous leurs yeux plissés de joie tout leur amour sera dans ce regard ».

 

Ainsi suis-je devenu ce chantre à l'automne de ses jours, l'Aède

Qui vint étancher la soif de son amour fidèle au bord de cet Oued

Entre les roseaux de ce ruisseau coulait un mince filet d'eaux tièdes

Qui se déversait dans un fleuve imaginaire perdu de vue à l'horizon

Ô Mémoire d'un peuple-enfant, peuple qui fut en éternelle véraison,

Voici venir la pluie de la mûre saison, voici que luit la nuit de la raison

Un mince filet d'eau sur la rivière du Souvenir comme une pure oraison

Entre les murs antiques d'Oran, murmure en lente et pure murmuraison !

 

Un mince filet d'eau fila entre les ors du soleil qui brillait en l'arrière-saison,

Et le bruissement de ce cantique natal vit alors surgir la lyre d' Orphée à l'horizon

Un ultime filet d'eau fluait entre les roseaux, la flûte de son cœur sans raison

Mua la voix fluette du ruisseau en ce fleuve de longue et pure murmuraison !

 

Ô Nuit d'Oran constellée de souvenirs

(extrait)

 

 

Ô Mère naturelle, reviendrai-je sur l'aile de l'amour à ce chef-d’œuvre

Aux rives de l' Enfance et sur la flûte des roseaux, Aède à la voix neuve ?

Reviendrai-je en la Cité du deuil hissé au seuil de la joie après l'épreuve ?

Promontoire de l'Aigle, vienne l' Esprit qui nous emporte dans ses fleuves

Et son regard de foudre protecteur transperce les vouivres et les pieuvres !

 

bottom of page